Une vie à laquelle l’examen fait défaut…
Une vie à laquelle l’examen fait défaut ne vaut pas la peine d’être vécue (Socrate).
Tout aspect de nous-même autre que l’Esprit indompté est relativement mince, trivial et insatisfaisant. Les moments où nous sommes dans notre état le plus inspiré et le plus créatif sont ceux durant lesquels la surface s’est calmée et l’Esprit indompté se manifeste.
Savoir qu’il y a une partie de vous qui n’est touchée par rien que vous ayez fait, aussi néfaste ou illusionné que cela ait pu être, peut être une source de très grande confiance en vous. Quand j’étais plus jeune, après avoir essayé de pratiquer la méditation et le bouddhisme pendant un peu plus d’un an, je suis allé faire une retraite de méditation intensive où nous avons médité environ huit heures par jour. Je dis que j’avais essayé de pratiquer la méditation et le bouddhisme, mais il serait plus vrai de dire que dans une large mesure j’avais tenté de convaincre les autres (et peut-être aussi moi-même) que je pratiquais le bouddhisme.
À cette époque je me sentais très peu sûr de moi-même, et j’essayais de compenser cela en adoptant une sorte de masque. Ce masque consistait à essayer de paraître très savant au sujet du bouddhisme, et à essayer d’impressionner les gens avec mon intelligence. Je suppose que ce que je voulais c’était que les gens soient impressionnés et donc qu’ils m’aiment. Bien sûr, ce qui se passait en fait c’est que j’ennuyais tout le monde, en ayant des opinions arrogantes, en critiquant tout le monde (en particulier ceux qui étaient plus sages que moi), et en trouvant à redire à tout.
Il se passe des choses quand vous méditez pendant huit heures par jour, jour après jour. Vous êtes forcé de regarder en face celui que vous êtes réellement. Vous essayez de fuir et de vous cacher en vous endormant ou en partant dans des rêveries, mais de façon ultime vous ne pouvez éviter la personne avec laquelle, plus qu’avec toute autre, vous n’êtes pas à l’aise : vous-même. Et je ne m’aimais pas – et voulais m’en venger. Finalement quelque chose devait lâcher. J’eus une expérience très forte pendant laquelle, littéralement, je mitonnais ma propre négativité, revenant encore et encore sur les détails d’un conflit que j’avais développé avec une autre personne, essayant de me justifier, essayant de voir ce conflit sous tous les angles sauf droit dans les yeux, convaincu qu’il y avait une voie de sortie dans laquelle j’étais celui qui avait raison. Je dois avoir investi une énorme quantité d’énergie dans le fait de repousser la vérité, la vérité simple et inévitable selon laquelle j’avais de manière offensive été arrogant et sans sensibilité envers une autre personne.
Finalement, j’en vins à être à court d’énergie pour combattre la vérité, à ne plus trouver d’endroit où me cacher : ayant passé en force à travers mon système de défense, la vérité me prit. Je me sentis affreux. Je me sentis moins que rien, complètement sans valeur. Je me sentis très seul, très isolé. Je sentis comme un insupportable poids de souffrance peser sur moi. En fait, je ne m’étais jamais senti si bas. Je pleurai à chaudes larmes, assis parmi d’autres personnes méditant silencieusement dans la longue pièce de méditation faiblement éclairée par des bougies. Certaines d’entre elles avaient un sourire plein de félicité. Leur méditation se passait bien, et elles étaient dans leur petit paradis privé. Dans mon coin de la pièce de méditation, j’étais dans un lieu bien différent. Je m’étais construit un enfer très puissant et très efficace.
Et cependant, j’avais aussi un sens de quelque chose d’autre. J’avais, presque imperceptible, un sens de soulagement. Je pense aujourd’hui que c’était le soulagement de m’être débarrassé de l’énorme effort que j’avais fait pour me cacher la vérité de mon si mauvais comportement.
Et puis quelque chose d’extraordinaire arriva. J’étais là assis, isolé de la fraîcheur par ma couverture, respirant le parfum de l’encens, et des larmes coulant sur mes joues. Et j’eus une espèce de vision. Je dis « une espèce de vision » car ce fut une vision intérieure plutôt qu’extérieure. Mais elle me marqua aussi fort qu’une vision extérieure l’aurait fait.
Je vis ceci : ma véritable nature était une joyau sans défaut, avec de multiples facettes, suspendu dans le doux velours de l’obscurité de l’espace. Le joyau était merveilleusement beau et riche, sans comparaison ; c’était la chose la plus essentielle en moi, au centre de mon être.
Mais il était sale. Ce joyau était, d’une certaine manière, taché et poussiéreux. Ces marques de poussière étaient les faiblesses et défauts normaux que j’avais eu, en tant qu’être humain normal. Mais pour quelque raison, peut-être due à une bizarrerie de mon conditionnement, je ne pouvais accepter ces défauts. Je voulais désespérément être pur et sans défaut, et je ne l’étais pas. J’avais honte de mes défauts. J’avais le sentiment de ne pouvoir vivre avec eux.
La chose la plus sensée aurait bien sûr été de m’en débarrasser. Mais je réalise aujourd’hui que j’avais une telle honte d’avoir des défauts que j’essayais de m’en nier l’existence. Et s’ils n’étaient pas là, comment pouvais-je œuvrer à m’en débarrasser ? Mon autre stratégie, celle qui m’avait emmené dans mon petit enfer privé, était d’essayer de mettre un masque pour cacher ces défauts. J’essayais de prétendre que je n’avais aucun défaut. J’essayais de me convaincre que je savais tout. J’essayais de rationaliser ma colère pour mieux croire qu’elle n’était pas là. J’essayais de me convaincre et de convaincre les autres que je cherchais sérieusement la vérité. Et ceci était tout particulièrement ironique, car la vérité était quelque chose que je ne voulais pas regarder en face. Mais dans cette vision, je réalisai que j’avais essayé de cacher la saleté sur le joyau à l’aide de cosmétiques. Et ce que j’avais créé, c’était une absurde boule de saleté. J’étais allé de plus en plus loin de ma vraie nature en prétendant être quelqu’un que je n’étais pas.
Il me devint alors évident que ce que je devais faire c’était faire marche arrière dans le processus dans lequel j’avais mis tant d’énergie. Je devais cesser d’essayer de passer une couche de peinture sur mes propres imperfections et, au lieu de cela, je devais en enlever toutes les couches pour révéler la pureté inhérente qui était là. Voilà la tâche à laquelle je me suis attaché, parfois en chancelant, pendant les années qui ont suivi : polir le joyau de mon être pour permettre à sa beauté et à son éclat naturels de briller. Et il n’y a pas de fausse modestie à dire qu’il me reste un long chemin à parcourir avant que toute la saleté soit partie.
Tout ce que chacun d’entre nous doit faire c’est s’atteler à la tâche, et œuvrer patiemment et avec une détermination pleine de compassion à polir le joyau de son être, à en enlever la poussière et la saleté pour que la lumière pure de notre nature propre puisse briller. C’est une tâche qui demande un certain héroïsme.
Parfois, il semble qu’il serait plus simple de tout arrêter. Mais une fois que vous avez atteint un certain niveau de prise de conscience, une fois que vous réalisez que vos états d’esprit normaux ne sont que la poussière et la saleté superficielles recouvrant le diamant essentiellement pur de votre être, il n’y a pas de demi-tour possible. Il n’y a pas d’autre façon de vivre. Comme l’a dit Robert Louis Stevenson, « Être ce que nous sommes et devenir ce que nous sommes capables de devenir, voilà le seul but de la vie. »
J’espère que ce site de l’Esprit Indompté sera un outil permettant à d’autres de trouver la pureté dans la profondeur de leur être, et de vivre en pleine conscience de la chaleur aimante et lucide de leur propre Esprit Indompté.