L’élément air
Immédiatement, quand nous évoquons l’élément air dans le corps – l’air dans nos poumons et autres cavités du corps, et même les gaz dissous dans le sang – nous prenons conscience de notre respiration, du fait que, rythmiquement, de l’air entre dans notre corps et en sort.
Et presque simultanément, aussi, nous nous remémorons l’air en dehors de nous, l’air qui nous entoure et qui à tout instant touche notre peau, le vent et la brise qui font bouger les branches des arbres et les herbes – ce que nous voyons et entendons.
En ce moment, précisément, nous prenons et nous rendons cet élément. En ce moment, l’élément air entre et sort de notre corps, alors que nous respirons. En ce moment, de l’air entre, de l’oxygène se dissout dans le sang qui l’emporte vers les cellules pour leur respiration, et du dioxyde de carbone est exhalé.
Il n’y a pas de limite entre l’air au-dedans de nous et l’air au dehors. Il n’y a qu’un élément air, et ce qui est en nous est simplement emprunté pendant quelques instants. Nous ne pouvons pas plus retenir l’élément air que nous ne pouvons retenir les autres éléments. En fait nous ne pouvons vivre qu’en lâchant prise, nous ne pouvons jamais rien retenir. Retenir c’est mourir. Ainsi, nous réfléchissions au fait que l’élément air, comme les autres éléments, n’est pas moi, n’est pas à moi ; je ne suis pas ceci.
Arrivé à ce point de la pratique, je commence généralement à ressentir de façon très immédiate la nature impermanente et transitoire du corps. Je sens de façon plus forte que ce que je considère ordinairement comme étant une forme physique relativement fixe et solide est en fait un processus dynamique. Je pense souvent que regarder les éléments couler en traversant le corps ressemble un peu à être assis au bord d’une rivière. Je peux voir l’eau couler devant « mon » petit bout de berge, et je dis « ceci est moi, ceci est moi », mais à chaque moment où je dis cela, à chaque moment où je m’attache, ce que j’essaie d’attraper coule inexorablement. S’attacher est futile et douloureux. Lâcher prise, c’est reconnaître comment sont les choses.
Il y a un sens de curiosité, d’émerveillement et d’ouverture. Le monde est plus vivant. Je suis moins attaché à ma forme physique, et mon sens d’identification s’est étendu vers l’extérieur ; tout ce qui est jamais passé au travers de mon corps – la matière solide, l’eau, l’air et l’énergie – est maintenant quelque part au-dehors, sous la forme de champs, de nuages, de forêts, de sol. En un sens, ces choses sont moi. Et comme ce corps, mon corps, est fait de ces mêmes choses, je suis elles. Avoir ce sens direct de l’interdépendance est une chose qui me donne vie et force. Je ne suis plus séparé et petit, mais une part intime du vaste cycle des éléments.