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Bouddhisme et végetarisme

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Interconnexion et metta

Sous-jacente aux vers du Dhammapada est l’observation du Bouddha que rien n’existe isolément. Si nous essayons de résumer la vision de la réalité du Bouddha en un mot, le meilleur serait peut-être « interconnexion ». Nous n’existons qu’en relation avec le monde, en tant que partie d’un réseau d’interconnexions. Il nous est impossible d’être vraiment heureux si nous ne reconnaissons pas ce fait de l’interconnexion, et, tout aussi important que cela, si nous ne changeons pas notre rapport au monde.

A première lecture, ceci peut sembler aller contre le bon sens. Après tout, vous êtes assis à lire ce livre. Vous savez bien où ‘vous’ commence et où commence ‘le reste du monde’. Derrière la fenêtre sont les autres gens, avec leurs autres vies. La ferme la plus proche peut être à des kilomètres de distance. Et vous, vous êtes ici, avec votre vie. Pourquoi ne pas juste s’occuper de soi, et apprendre à être heureux sans faire attention aux autres ? Cela peut sembler évident que nous sommes indépendants.

Mais réfléchissons un moment. Jusqu’à quel point sommes-nous indépendants ? Physiquement, vous pouvez dire que ‘vous-mêmes’ s’arrête là où l’air touche votre peau. Mais le même air nourrit aussi votre corps. Retenez votre souffle et voyez combien de temps vous pouvez maintenir votre indépendance. L’expérience ne peut pas durer longtemps. L’air qui était « à l’extérieur » et « autre », est maintenant une part intime de « vous-mêmes », et l’air que vous exhalez faisait il y a peu partie de vos muscles et de vos tissus. Quand est-ce, exactement, qu’il s’est arrêté d’être « vous » ? Ce corps qui produit cette respiration s’alimente de nourriture qui a poussé partout dans le monde. Elle fut terre, et air, et lever de soleil, et pluie, et fumier, et plantes, et animaux. La nourriture est devenue une part de vous-mêmes grâce à un nombre immense de personnes – celles qui ont planté les cultures, ceux qui ont transporté les récoltes, et ceux qui ont élevé, qui ont éduqué, qui se sont souciés et ont donné des médicaments à toutes ces personnes. Un nombre incalculable de personnes fut impliqué dans la fabrication de ce corps qui tient ce livre. Vous n’auriez pas pu exister sans eux. Alors jusqu’où, vraiment, sommes-nous indépendants ? La réponse est que, physiquement, nous ne le sommes pas du tout.

Mais qu’en est-il en ce qui concerne notre personnalité ? (Si nous avons réalisé que notre « moi » physique existe seulement en interdépendance, alors peut-être pouvons-nous encore, pour le moment, présumer que certaines autres parts de nous-mêmes ne sont pas interdépendantes.) Qu’en est-il de notre esprit ? Pouvez-vous imaginer votre esprit sans le langage ? Où seriez-« vous » sans lui ? D’où est venu votre langage ? Vous l’avez bien sûr appris d’autres personnes. Même les concepts dont vous vous servez, vous en avez hérité du monde autour de vous. Notre esprit est comme la membrane semi-perméable d’une bulle flottant sur un océan d’idées. Ce qui est à l’intérieur de nous, un jour fut au-dehors – ou, plus précisément, ce qui est à l’intérieur de nous est apparu en dépendance de ce qui est à l’extérieur de nous. Notre esprit n’est certainement pas indépendant.

Qu’en est-il émotionnellement ? Imaginez un instant que vous soyez incarcéré dans une cellule isolée – sans aucun contact humain de quelque sorte que ce soit – pas même à travers les livres. Est-ce qu’il serait facile de maintenir quelque degré de bonheur, ne serait-ce que quelques jours ? Maintenant imaginez que la porte s’ouvre grand, et là devant se tiennent ceux qui vous sont les plus chers, venus vous sortir de là. Comment vous sentez-vous maintenant ? Où est votre indépendance ? Elle est une illusion, et nous avons besoin de nous réveiller pour qu’elle s’évanouisse, de nous réveiller à la réalité de notre interdépendance vis-à-vis du reste du monde. Le terme bouddhiste pour ceci est Pratitya samutpada, ou « co-production conditionnée », bien que cela puisse même être traduit par « existence interdépendante ». Ceci est la notion – plus précisément l’observation – que toute chose n’existe qu’en relation, et non isolément. Pratitya samutpada a été décrit comme l’enseignement central du bouddhisme – l’enseignement dont tous les autres découlent.

Gardant à l’esprit l’état de complète interconnexion dans lequel nous existons, nous en venons à nous demander s’il nous est possible d’être vraiment heureux sans prendre cela en compte. La réponse, selon le bouddhisme, est que nous ne le pouvons pas. Nous SOMMES nos relations. Il n’y a pas une seule partie de nous-mêmes qui n’existe en relation avec le monde soi-disant extérieur ou les soi-disant autres. S’il y a de la disharmonie dans nos relations avec les autres, nous ferons l’expérience de la disharmonie dans nos vies, nous ferons l’expérience des effets dissonants qu’un conflit engendre. La seule façon que nous avons de vivre à un niveau plus profondément heureux et contenté, est de changer notre relation au monde, afin de faire l’expérience des effets de l’harmonie plutôt que la disharmonie.

Bien que nous ne soyons pas en mesure de le leur demander, il semble juste de présumer que les animaux ne veulent pas être mangés. Ils déguerpissent quand il y a du danger, combattent lorsque acculés, et essaient d’échapper à la souffrance. Disons que nous sommes maintenant conscients de cela – mais disons aussi que nous désirons toujours manger de la viande. Emotionnellement, il est probable qu’il y a un conflit. Une fois que notre prise de conscience a grandi en empathie – une interconnexion émotionnelle – le bien-être des autres est quelque chose de difficile à ignorer sans que cela ne nous cause de la détresse.

L’ignorance est-elle à bénir ? Si nous demeurions inconscients de la souffrance que nous causons, échapperions-nous alors aux conséquences de nos actions ? Selon le bouddhisme, il n’en sera pas ainsi. Nous pouvons toujours ressentir un sentiment inconscient de culpabilité. « Très souvent l’esprit inconscient est plus sage de l’esprit conscient » comme l’a dit Sangharakshita. (25) Preuve en sont les démonstrations défensives, et mêmes agressives, dont font montre certains mangeurs de viande lorsqu’ils rencontrent un végétarien. Une fois que nous sommes conscients de façon empathique que les animaux désirent la vie et d’être libres de souffrance (et peut-être le contentement, si ce n’est le bonheur) alors la façon la plus créative de résoudre le conflit dans nos vies est d’arrêter de causer du mal et d’encourager le développement du sentiment empathique.

Un sentiment empathique qui soutient, plutôt qu’être en conflit avec, le désir d’un autre pour le bonheur est ce que nous appelons METTA. Metta est souvent traduit par « amour bienveillant » ou « amitié universelle » ou simplement « amour ». Metta est une émotion qui chérit et désire le bonheur et le bien-être des autres, et souhaite que les autres ne souffrent pas. Metta est l’équivalent émotionnel de l’expérience de l’interconnexion. Cela bien sûr ne veut pas dire que nous ne pouvons pas être heureux à moins que tous en ce monde ne le soient. Cependant aussi longtemps que notre attitude vis-à-vis des autres ne sera pas en harmonie avec leur désir d’être heureux, nous-mêmes ne serons pas vraiment heureux.

Si nous voulons être heureux, ce que nous devons changer n’est pas simplement ‘nous-mêmes’, mais la façon dont nous sommes en rapport avec les autres. Si nous voulons une vie heureuse et qui nous apporte de la satisfaction, nous avons besoin de créer des rapports plus satisfaisants. Metta est la façon la plus harmonieuse et la plus satisfaisante d’être en rapport avec les autres. Puisque metta est le désir que les autres soient heureux, et puisque le désir de bonheur est universel, metta nous met en harmonie plus profonde avec l’univers.

Nous faisons tous l’expérience de l’interconnexion – et de metta – dans une certaine mesure. L’interconnexion n’est pas simplement une réflexion théorique : cela fait partie de notre expérience. Un exemple qui nous est à tous familier est l’empathie avec une personne triste. Si nous pouvons comprendre leur monde, leur souffrance dans une certaine mesure devient notre souffrance et nous nous trouvons désireux d’alléger leur souffrance. Nous faisons l’expérience de ce que le bouddhisme appelle Karuna, ou compassion. Notre capacité à faire cela fait partie de ce qui nous rend vraiment humains. D’une façon mystérieuse, nous semblons être capables d’explorer le paysage émotionnel d’autres êtres.

Cela peut sembler paradoxal – que parlant de comment une plus grande conscience du bien-être des autres peut nous aider à être plus heureux, nous parlions aussi de partager leur mal-être. Encore et encore, à mon étonnement, je constate – et je suis sûr que vous pouvez le confirmer dans votre propre expérience – que lorsque je me trouve en empathie avec la douleur de quelqu’un d’autre, je me sens proche de cette personne, et, d’une manière ou d’une autre, plus vivant et profondément satisfait. De faire profondément l’expérience de notre connexion avec les autres paraît plus réel que de se maintenir dans une perception incorrecte d’isolement stérile.

Ce partage du monde des autres ne concerne pas seulement les expériences douloureuses bien sûr. Si nous sommes conscients que quelqu’un d’autre est heureux, nous partageons sa joie, parfois très intensément. Nous appelons cela Mudita ou joie sympathique. A la fois karuna et mudita sont elles-mêmes des facettes de metta. Lorsque notre metta rencontre la souffrance, il se transforme en compassion, et lorsqu’il rencontre la bonne fortune et le bonheur des autres, il se manifeste comme joie sympathique.

Le bouddhisme voit metta comme l’émotion positive fondamentale. Comme toute émotion, nous pouvons en faire l’expérience de façon modérée aussi bien que plus intensément. A son plus fort, c’est un désir passionné et débordant pour le bonheur et le bien-être de tous, animaux inclus. Sous sa forme plus modérée, c’est la patience, l’intérêt, et la tendresse que nous manifestons envers notre famille et nos amis, lorsque nous n’attendons rien en retour. Metta est une émotion dont nous faisons tous l’expérience, de temps en temps.

Le fait que nous fassions tous l’expérience de mettà, et de karuna et de mudita, qui font partie de la même famille émotionnelle, démontre notre capacité à faire l’expérience de notre interconnexion avec les autres. Metta, karuna et mudita sont nos réponses les plus profondes, les plus vraies au monde – les réponses que nous ressentons lorsque nous sommes libres de sentiments et de façons de nous comporter égoïstes et superficielles. Elles sont la dimension émotionnelle de notre prise de conscience de l’interconnexion.

Le Bouddha s’appuyait sur le principe de l’interconnexion pour enseigner l’éthique. A une occasion, si l’on s’en remet aux écritures bouddhiques, le Bouddha vint à la rencontre de quelques garçons qui tourmentaient un poisson dans une mare. Le Bouddha vit les garçons effrayer le poisson, battant l’eau avec des bâtons. Sa réponse fut très directe : « Vous, garçons, n’avez-vous pas peur de la douleur ? Est-il vrai que vous n’aimez pas la douleur ? » demanda-t-il (26). Il attirait leur attention sur le fait qu’ils étaient en train d’infliger à quelqu’un quelque chose qu’ils ne souhaiteraient pas qu’on leur fasse. Peut-être les garçons n’avaient-ils jamais réalisé cela – il arrive que l’imagination nous manque pour savoir que nos actions causent la souffrance. Ou peut-être les garçons savaient intellectuellement qu’ils causaient de la souffrance mais ne RESSENTAIENT pas cela comme important. Lorsque nous comprenons que la souffrance d’un autre être est aussi réelle que la nôtre, alors quelque chose est modifié dans notre façon de ressentir et d’agir. Avec la naissance de l’empathie, nos actions deviennent plus éthiques, et sans empathie la véritable éthique n’est pas possible.
En renfort à ce genre d’enseignement empathique, sont un nombre de pratiques que suivent les bouddhistes pour cultiver metta et éliminer les émotions négatives. Les émotions égoïstes et qui nous limitent sont comme des voiles qui nous empêchent de voir la réalité. Parfois nous avons besoin d’aide pour passer à travers ces voiles et pour cultiver un sens positif et sain de connexion. Mais comment faisons-nous cela ?