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Bouddhisme et végetarisme

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Ethique, méditation et vue pénétrante

La voie bouddhiste, sous une de ses plus simples formulations, consiste en trois aspects d’entraînement : éthique, méditation et vue pénétrante (27). Il s’agit de trois domaines auxquels nous pouvons nous entraîner afin d’approfondir notre conscience de l’interrelation. Ces pratiques nous aident à nous débarrasser d’émotions égoïstes qui limitent notre prise de conscience, nous aident à développer des émotions positives qui sont l’expérience émotionnelle de l’interrelation, et nous aident à changer la façon dont nous voyons le monde, afin que nous arrivions à faire l’expérience de nous-mêmes comme le produit de l’univers, et non comme quelque chose séparé de lui.

L’approche bouddhiste de l’éthique fait ressortir le fait que nous avons besoin de prendre responsabilité pour nos actions. Les actions forment un aspect crucial de notre interrelation avec le monde. L’éthique bouddhiste rend nécessaire de voir que nos actions ont des conséquences, que ce soit directement ou indirectement, pour nous-mêmes et vis-à-vis des autres. Au sein du réseau de causes à effets dont nous sommes une part inséparable, même les effets indirects de nos actions sont à prendre en considération. Peut-être nous souvenons-nous que le Dhammapada nous rappelle que lorsque nous sommes en rapport avec le fait de l’interconnexion, nous ne provoquons pas la mort – nous ne faisons pas faire le ‘sale travail’ pour nous. Un aspect de la pratique éthique implique d’entreprendre volontairement de suivre des préceptes afin de guider nos actions. Il y en a un certain nombre, mais le plus important est celui qui nous encourage à éviter de causer le mal et à pratiquer metta :
J’entreprends de suivre le principe d’entraînement qui consiste à ne pas faire de
mal aux êtres vivants
Avec des actions bienveillantes, je purifie mon corps. (28)

Lorsque nous essayons de suivre ce précepte, nous essayons d’être en rapport avec le monde sur une base d’amour plutôt que de désirer assouvir nos appétits. Nous essayons d’évoluer vers une réalisation plus profonde de notre interrelation avec les autres êtres sensibles, et de diminuer le mal que nous causons. Souvent, bien sûr, nous échouons. En fait, nous faisons des erreurs la plupart du temps, et nous blessons les autres par nos gestes ou nos mots, notre action et notre inaction – souvent sans même le réaliser. Mais nous essayons d’apprendre à partir de ces erreurs, de reconnaître le moment où nous nous sommes écartés du chemin, et de nous aligner de nouveau, patiemment et tendrement, sur nos idéaux.
Nous devons tous avoir des exemples où nous n’avons pas été capables de répondre avec compassion à quelqu’un en détresse, et nous connaissons la honte ou la culpabilité que l’on ressent de n’avoir pas aidé quelqu’un dans le besoin.

A ne pas prendre en considération le bien-être de quelqu’un d’autre, nous diminuons le nôtre. Il m’est plus facile de constater cela avec les humains, ce qui est plutôt naturel. Après tout, il est plus facile d’entrer en empathie avec une personne qu’avec un animal – nous avons beaucoup plus d’expériences en partage, et nous pouvons nous servir du langage pour articuler nos expériences. Mais de ma propre expérience, je sais que cela s’applique aussi aux animaux. Un exemple relativement mineur qui me vient à l’esprit est à propos des vers de terre qui se retrouvent sur le trottoir après la pluie. Je les remarquais se tortillant sur le ciment, sachant qu’ils mourraient probablement quand la pluie sècherait. Après avoir lutté intérieurement, je décidais de systématiquement les redéposer sur l’herbe ou dans la terre, là où ils trouveraient de plus grandes chances de survie. Je dois confesser un certain dégoût vis-à-vis des vers de terre. Dans l’ensemble, d’être venu en aide même à cette forme de vie relativement basse, m’a fait me sentir mieux que lorsque j’essayais d’étouffer ma prise de conscience de leur souffrance.

Il y a un prix à payer si nous dénions notre capacité naturelle à faire l’expérience de l’amour et de la compassion. Le vers suivant du Dhammapada dit :
Celui qui pour son propre plaisir, fait du mal à ceux qui veulent le bonheur, après cela ne trouvera pas le bonheur. (29)

Le fait de dénier la réalité de notre interconnexion avec les autres êtres sensibles, conduit à un appauvrissement, et même à un empoisonnement de nos propres vies. C’est un appauvrissement parce que l’amour ou metta est simplement l’expérience la plus enrichissante que nous puissions vivre. Il n’y a pas de plus profonde satisfaction que lorsque nous faisons l’expérience de metta, et nous nous privons des richesses de cette expérience lorsque nous agissons sans nous soucier du bien-être des autres.

Faire du mal à d’autres êtres résulte en un empoisonnement de nos vies parce que l’inconfort moral que nous ressentons lorsque nous plaçons nos propres désirs au-dessus du bien-être des autres, entraîne des conflits et de la culpabilité. Lorsque vis-à-vis des autres j’agis avec dureté, cela crée une tension en moi-même. D’un côté il y a le désir d’obtenir ce que je veux, et de l’autre un sens plus profond de comment je devrais agir en réalité – la voix de ma conscience. Aussi longtemps que ce conflit persiste, je ne peux jamais être vraiment à l’aise vis-à-vis de moi-même.

En fait, lorsque chacun d’entre nous examine profondément ce dont il souffre, nous trouvons que pour la plus grande part, cela vient d’une incapacité à reconnaître notre interconnexion – une incapacité à vivre de façon éthique. Nous vivons tous avec les effets de cela, et en souffrons.

Le second aspect de l’entraînement en trois étapes est la méditation, à travers laquelle nous cultivons activement la prise de conscience et metta, et diminuons l’emprise des émotions égoïstes. La méditation nous aide à développer des états d’esprit plus positifs, et même plus libérateurs. Nous pouvons pratiquer des méditations comme l’ ‘attention sur le souffle’ qui nous aide à être plus conscients de nous-mêmes. Souvent nous ne sommes pas très conscients et c’est juste aveuglément et habituellement que nous agissons. Avec plus de prise de conscience, nous pouvons davantage prendre responsabilité pour nos actions, et avoir plus de choix quant à nos décisions d’agir éthiquement ou non-éthiquement.

Une autre pratique de la méditation est le ‘metta bhavana’ – le développement de l’amour – qui encourage nos tendances naturelles à entrer en sympathie avec les autres et à nous sentir concernés par eux. Dans le metta bhavana, notre but est de cultiver des émotions qui chérissent tous les êtes sensibles – animaux inclus. Metta fait partie d’un groupe d’émotions (incluant aussi karuna et mudita que nous avons déjà mentionnées) qui sont appelées les ‘incommensurables’, en partie parce qu’elles sont l’opposé même des émotions égoïstes et limitatives qui nous empêchent de réaliser notre interconnexion. A travers la pratique de mettabhavana, notre sens de soi s’étend jusqu’à ce que, ultimement, nous nous sentions connectés et en résonance avec toute existence sensible.

Le troisième aspect de l’entraînement en trois étapes à travers lequel nous pouvons transformer notre relation au monde est la cultivation de la Vue pénétrante. Nous pouvons apprendre à voir avec plus de clarté l’interconnexion. Nous avons déjà cultivé cette faculté de Vue pénétrante jusqu’à un certain point en lisant et réfléchissant sur ce sujet et en examinant les vues qui sous-tendent nos actions. Peut-être aussi avons-nous exercé notre imagination en nous penchant sur ce à quoi une vie d’animal de ferme peut ressembler. Une conscience de l’interconnexion dépend de notre faculté à imaginer, qui nous permet de nous mettre à la place de quelqu’un d’autre, de voir la vie suivant leur perspective, de partager leur monde. Metta, karuna et mudita jaillissent naturellement de cette prise de conscience empathique.

Le poète Shelley décrit cela en disant :
« Le magnifique secret de la morale est l’amour… Un homme, pour être profondément bon, doit imaginer intensément et de façon détaillée ; il doit se mettre à la place d’un autre et de beaucoup d’autres ; les peines et les plaisirs de son espèce doivent devenir les siennes propres. » (31)

Bien sûr, nous n’avons pas toujours l’intensité et la précision d’imagination requises pour apprécier la nature interdépendante de nos vies. En conséquence, la plupart d’entre nous ne pourrait pas se décrire comme ‘profondément bon’. Souvent nous écartons notre réponse la plus profonde aux sentiments des autres, ou nous empêchons qu’elle surgisse. Il est possible que nous nous surprenions à changer de chaîne de télévision lorsqu’une émission sur la pauvreté dans le monde nous rend inconfortables. Il est possible que nous tergiversions à propos de donner quelques pièces à un mendiant, pièces dont probablement nous ne manquerons jamais. Il est possible que nous agissions de façon blessante vis-à-vis de quelqu’un parce que nous-mêmes ne sommes pas heureux, ou parce qu’il a quelque chose que nous voulons. En résumé, nous nous comportons comme si EFFECTIVEMENT nous étions séparés des autres, comme si nous pouvions trouver le bonheur tout en ignorant le malheur des autres – et même le malheur dont les autres font l’expérience en résultat de nos actions. Nous pouvons développer plus de Vue pénétrante en exerçant nos facultés d’imagination et d’empathie.

Bien qu’il fasse référence à notre besoin de partager les peines et les plaisirs de notre ‘espèce’, Shelley lui-même ne limitait pas son attitude compassionnée aux seuls êtres humains. Shelley était végétarien. Comme mentionné plutôt, d’une certaine façon il est plus facile d’entrer en empathie avec les humains qu’avec les animaux. Il est possible que nous ayons à faire un peu plus d’efforts pour nous positionner de cette façon vis-à-vis des animaux ; mais nous avons – en dépit de certaines vues occidentales – beaucoup en commun avec les animaux. En termes d’évolution, nous sommes nous-mêmes des animaux, et fondamentalement nous avons en partage avec les mammifères évolués la plupart de nos pulsions, de nos instincts et de nos émotions. Et notre faculté d’empathie est vaste.

Selon les enseignements bouddhistes, nous pouvons apprendre à éprouver de l’empathie jusqu’au point où le monde ne nous apparaît plus dorénavant en termes de «soi» et d’«autre».

Lorsque nous avons ainsi complètement réalisé notre interconnexion, ce n’est pas pour nous sentir mieux que nous essayons d’alléger la souffrance des autres êtres, mais simplement parce que la souffrance est là, et parce que ces êtres désirent s’en libérer. Lorsque nous commençons à pratiquer l’éthique, notre approche sera inévitablement en référence à nous-mêmes, d’une façon ou d’une autre, mais avec le support de la méditation et de réflexions profondes sur la nature de la réalité, nous pouvons apprendre à devenir véritablement dénués de tout égoïsme. Arrêter de manger de la viande et du poisson – sachant que cela allègera la souffrance des êtres vivants – est un pas simple et pragmatique que nous pouvons tous faire pour nous aider à progresser vers notre idéal.